• Les sept Dormants d'Ephèse et les Gens de la Caverne

    Les sept Dormants d'Ephèse et les Gens de la Caverne

     

    L'UP Tricastine a présenté un cycle intitulé "Religions monothéistes de la Méditerranée." Une première journée a été consacrée aux retrouvailles entre le judaïsme et le christianisme. A suivi une conférence sur l'islam, une autre sur la Réforme. Trois conférences sur "religion et politique", "religion et vie sociale" et "religion, salut éternel et vie privée." Nous irons visiter un monastère orthodoxe de femmes à Solan dans le Gard. Enfin, pour faire pendant au premier volet (judaïsme et christianisme), j'ai choisi de mettre en valeur une passerelle entre islam et christianisme.

    Avant de voir dans le détail cette fragile passerelle sur laquelle les deux religions peuvent se rencontrer, je voudrais souligner l'abondance des convergences entre elles. Le Coran parle d'une vingtaine de prophètes qui figurent aussi dans la Bible. J'en présenterai cinq: Adam, Noé, Abraham, Moïse et Jésus. Le dernier des prophètes, celui qui clôt la prophétie, le Sceau des Prophètes, c'est celui que les occidentaux appellent Mahomet et les musulmans Mohamed.

    Adam                                                           

    Les sept Dormants d'Ephèse et les Gens de la Caverne                    Les sept Dormants d'Ephèse et les Gens de la Caverne    

    Noé, Nouh

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    Abraham, Ibrahim

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    Moïse, Moussa

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    Jésus et Marie, Issa et Meriem

     Les sept Dormants d'Ephèse et les Gens de la Caverne

     

    Les sept Dormants d'Ephèse et les Gens de la Caverne

    Les sept Dormants ne figurent pas dans la Bible, mais ils sont dans le Coran, dans le sourate 18, Ahl al Kahf. Et donc ils font partie de la révélation coranique, c'est-à-dire de la parole de Dieu, révélée aux hommes par le prophète Mohamed, par l'intermédiaire de l'ange Gabriel (Djibril en arabe).

                          La tradition chrétienne des sept Dormants d'Ephèse

    Quelles sont les sources de ce récit?

    Des manuscrits syriaques des V et VI° siècles.

    Grégoire de Tours, évêque du VI° siècle, rapporte l'histoire puis la commente ainsi: "Voilà les faits (...) Je ne discerne pas du tout ce qu'il faut penser en cette affaire, et je ne m'arroge pas le droit d'oser une décision définitive (...) Quoi qu'il en soit, nous disons qu'à juste titre, les Latins, comme les Grecs honorent et célèbrent religieusement et pieusement la fête anniversaire de ces saints parce qu'ils ont souffert la persécution de Dèce et qu'ils sont vraiment endormes dans le Seigneur."

    L'histoire est reprise au VIII°siècle par Paul Diacre de Milan et au X°, par un homme d'Etat et historien byzantin, Métaphraste.

    Au XII°siècle, Jacques de Voragine en fait le récit détaillé dans la Légende dorée. Cette version témoigne de la popularité de l'histoire des sept Dormants. L'empereur Dèce (249 - 251) en visite à Ephèse exige que sept officiers du Palais renient le christianisme. Ceux-ci préfèrent se retirer dans une grotte après avoir distribué tous leurs biens. La grotte est scellée par ordre du pouvoir et les jeunes gens s'endorment d'un sommeil qui va durer 372 ans. Ils se réveillent sous l'empereur chrétien Théodose, donnent le sens de leur endormissement: c'est la preuve de l'hérésie de ceux qui nient la résurrection des morts. Ce message étant délivré, ils meurent pour de bon. Le sens que donne Jacques de Voragine à ce récit est donc clairement "militant": c'est une preuve de la résurrection des morts que Dieu avait préparée 372 ans plus tôt, pour servir le moment venu. L'auteur, d'ailleurs réduit leur endormissement à la durée plus raisonnable de 196 ans, d'après les dates historiques des règnes de Dèce et Théodose.

    Les sept Dormants ont figuré sur différents calendriers chrétiens, grecs, latins, russes, abyssins... Dans l'église latine, ils étaient commémorés le 27 juillet, dans le calendrier byzantin, le 4 août, jour de leur emmurement et le 22 octobre, celui de leur réveil.

     

                   Les gens de la Caverne, dans le Coran

    La sourate 18 s'intitule Ahl al Kahf, les gens de la caverne. Les versets 9 à 26 racontent l'histoire des sept jeunes gens endormis dans une caverne plutôt que de renier leur foi. La tradition raconte que Mohamed, à Médine,a été mis au défi par les Juifs de cette ville de raconter cette histoire qui alors n'était pas connue des Arabes. Mohamed répond qu'il va répondre et demande un petit délai. Il se retire dans un lieu désert et là Dieu le fait attendre deux semaines pour le punir de sa présomption. Il finit par recevoir la révélation de cette sourate dite de la Caverne.

    Il y a des différences avec le récit chrétien: le nombre des dormants est connu de Dieu seul, "et de quelques personnes". Il y a un chien qui protège le sommeil des jeunes gens, qui est un peu effrayant, et que la tradition a appelé Qitmir. Qitmir est un des quatre animaux à avoir une place au paradis. Enfin, leur sommeil dure 309 ans lunaires, ce qui équivaut à 300 ans solaires. De plus ils sont "bercés" par Dieu qui les retournent à droite et à gauche.

    Leur expérience est un signe (ayat) ce qui lui donne une dimension profondément spirituelle et métaphysique. Les Dormants ont une confiance absolue en Dieu dans un contexte de persécutions politiques des croyants: ce sont des croyants parfaits ... Mais pas musulmans car la révélation coranique n'avait pas encore eu lieu. Certains récits musulmans parlent toutefois d'une "profession de foi" qu'ils proclament avant de se rendormir définitivement.

    Les mystiques musulmans ont cherché le sens vrai, profond et caché (batin) de cette histoire. Ils soulignent le parallèle entre le sommeil et la mort: dans cet état de sommeil, l'homme est semblable à un mort et dieu le "réveille", c'est-dire, le ressuscite en lui rendant son âme.

    De nombreuses tombes des V° et VI° siècles à Ephèse, témoignent de la vivacité de la croyance en la résurrection, les croyants voulant être aux côtés des saint dormants le jour de la Résurrection.

    Les traditions populaires autour des Gens de la Caverne

    Invocations: Au Yemen une invocation aux Gens de la Caverne est utilisée pour marcher sur le feu, guérir d'un mal de tête, consoler un enfant. En Afghanistan, on invoque Qitmir contre la morsure des chiens enragés. En Turquie jusque dans la moitié du XX° siècle, les enfants récitaient leurs noms pour s'endormir.

    Pèlerinages: à Ephèse, malgré la fermeture du site, à Tarse. En Cappadoce, on trouve des fresques qui les représentent.

    Proverbe: d'un avare, on dit "qu'il ne jetterait même pas un os au chien des sept dormants". Dans les années 1970, les jeunes hippies locaux aux cheveux longs se faisaient apostropher par les vieux: "Eh, toi! tu sors de la Caverne?"

    Les nouveaux réveils des sept Dormants

    Au XIX° siècle, en Allemagne où leur culte est resté vivace car la Réforme semble avoir adopté l'histoire, Goethe leur consacre un poème. Renan en France écrit en 1878 "la légende des sept Dormants."

    Au XX° siècle Massignon, un arabisant érudit, entend, en 1953 un "gwerz", un ancien chant breton sur les sept Dormants, il est frappé par la ressemblance avec la sourate XVIII du Coran et il institue un pèlerinage commun aux musulmans et aux chrétiens en 1954. Messe, récitation de la sourate et colloque réunissent, depuis, les représentants des trois religions monothéistes et des agnostiques, à Vieux Marché, en Bretagne.

    Le père Paolo Dall'Oglio, au monastère de Mar Musa en Syrie, situé à 80 km au nord de Damas. Ce monastère était en ruines et le père Paolo a travaillé pendant 30 ans, en prêtre-bâtisseur, à sa restauration. C'est un disciple de Charles de Foucault et de Massignon. Il a fondé, en 1991 la congrégation Al Khalil (l'ami de Dieu, c'est-à-dire Abraham), qui a pour vocation le dialogue islamo-chrétien. Dans une citerne désaffectée du monastère il a aménagé une caverne des sept Dormants avec des fresques (où figure le chien Qitmir). C'est une création de toutes pièces à destination des pèlerins et des touristes: et le succès a été réel, puisqu'on comptabilisait 50 000 visiteurs par an avant la guerre civile de 2011. Le père Paolo a été expulsé de Syrie en 2012, car il était partisan du dialogue et de la réconciliation. Il serait revenu clandestinement en 2013 pour négocier la libération de journalistes otages et depuis il a disparu. On est sans nouvelles de lui.

    Tibhirine En mai 1996 un article du Monde fait un rapprochement entre les sept moines, enlevés par les terroristes du GIA algérien, avec les sept Dormants. Cette identification est bientôt reprise par les réseaux islamo-chrétiens et par quelques artistes. En 2004 le plasticien Rachid Koraïchi coordonne un ouvrage collectif qui sera un hommage aux sept moines de Tibhirine qui ont été assassinés. Le titre est "Les sept Dormants"; il s'agit de sept livres, dédiés à chacun des sept moines, écrits par sept auteurs différents: John Berger, Michel Butor, Hélène Cixous, Sylvie Germain, Nancy Huston, Alberto Manguel et Leïla Sebbar. Ils sont traduits et calligraphiés en arabe dans une présentation bilingue, illustrée par Rachid Koraïchi. L'ouvrage imprimé sur un papier artisanal a été exposé à l'abbaye d'Aiguebelle, d'où venaient plusieurs des moines. Puis une édition grand public a été faite par Actes Sud. On peut voir à Aiguebelle l'oratoire des sept moines et le tableau que Rachid Koraîchi a donné

    En 2009, d'après le texte de Sylvie Germain, Dominique Joubert, titulaire de l'orgue de la cathédrale de Valence et compositeur, a crée un oratorio: "les sept Dormants"

    En 2010 le film de Xavier Beauvois "Des hommes et des dieux" a eu un succès extraordinaire.

    Enfin les deux rescapé de l'enlèvement de Tibhirine se sont installés avec d'autres au Maroc, à Midelt, au monastère Notre Dame de l'Atlas. Le 27 juillet une icône des sept Dormants est déposée au pied de l'autel, en souvenir des sept moines assassinés.

    Pour clore cette partie sur les échos religieux de cette histoire voici une belle citation du poète libanais Salah Stétié:  "Très jeunes gens têtus, guidés par l'étoile christique, et aussi bien, gens de la grotte coranique qui n'habitèrent l'envers nocturne du monde que pour mieux habiter, le jour venu, l'éternel pays de l'air"

     Et enfin la Tunisie dans le contexte révolutionnaire des printemps arabes, un groupe de jeunes artistes activistes et contestataires a fondé un collectif appelé "Ahl al Kahf" (les Gens de la Caverne). Dès avant la chute de Benali, un poème "la chasse au requin" faisait nettement référence au retour des gens de la caverne et des oeuvres de street art couvraient les murs de Tunis et exprimaient résistance dans la clandestinité, et réveil politique.

    En conclusion, Manoel Pénicaud qui a travaillé sur le thème des Dormants et a coordonné une exposition pour les Journées Avéroès de Marseille en 2011: "La légende du sommeil miraculeux des sept Dormants est devenue un mythe à part entière, une réserve de sens et de symboles que chacun peut s'approprier et interpréter, quitte à en détourner la signification première."

    Il y a donc un sens religieux, avec la symbolique du chiffre sept, la sainteté, les croyants opprimés qui choisissent l'exil intérieur. Il y a le sommeil protecteur envoyé par Dieu, la confiance absolue en Lui, la Résurrection: ils sont témoins de leur propre résurrection. Il y a sur le plan mystique, l'accès à une vie supérieure après le "murissement du sommeil". Le dialogue islamo-chrétien s'est saisi de cette histoire et enfin les luttes sociales et politiques actuelles. C'est dire sa richesse et la vitalité.

     

     

    Les Sept Dormants d’Éphèse dans les traditions chrétienne et musulmane

    Conférence par Michel Lagarde de l’Institut Pontifical d’Etudes Arabes et d’Islamologie à Rome.Centre de Théologie de Meylan, lundi 25 mai 2009

     

    On trouve des traces du récit des Sept Dormants à Rome sur la Via Appia. En Bretagne, le pèlerinage de Vieux Marché perpétue cette histoire ; Massignon, après avoir étudié ce récit, l’a fréquenté avec ses amis musulmans. Il existe des hymnes dans le rituel copte qui chantent les aventures des Sept Dormants pour leur fête le 20 aout: deux versions du Difnari nous seront présentées. Les jeunes gens, dans la 1° version, dorment dans la caverne pendant 372 ans (ici des références historiques s’imposent : 251 : fin de l’empire Dèce, 379, règne de Théodose : il s’écoule 128 ans entre les deux dates.) La fonction du récit dans ces deux versions est la même : affirmer la résurrection des morts, que niaient les Sadducéens. Le dernier verset de la 2° version du Difnari est l’oraison après l’hymne « Par leurs saintes prières, ô Christ… rends nous dignes d’être ressuscités… Priez le Seigneur pour nous. »

    Dans le Coran, la sourate 18, les Compagnons (As’hab al Kahf) restent 309 ans endormis. Leur histoire s’étend des versets 9 à 26. Un préambule la présente comme « un signe merveilleux ». Au verset 13 affirmation de monothéisme dans un passage influencé par le culte de Mithra, qui sous l’empire romain concurrençait le christianisme. Rome porte encore des traces de ce culte : dans la basilique Saint Clément se trouve un mytraeum, à Ostie, on en a trouvé 12. (A Bourg Saint-Andéol, 1, près de la rivière de la Tourne). Le culte de Mithra était un culte à mystères : le dieu souffre, meurt, ressuscite et on participe à sa résurrection en buvant son sang. Il était répandu à l’apogée de l’empire romain, et adopté par les militaires. Il vient de l’Orient zoroastrien. Pour la première fois le mot « sacramenta », les sacrements, apparait dans une religion, (il y en aura 7 dans l’Eglise chrétienne). Les versets 17 et 18 font un récit mithraïque, avec le premier porte flambeau, à droite qui marque le soleil levant et le second à gauche pour le couchant. Le chien couché sur le seuil de la caverne dans le Coran évoque le chien qui se régénère en buvant le sang du taureau égorgé par Mithra. Le début du verset 19 parle du temps passé dans la caverne, et la suite, d’un émissaire envoyé en ville après leur réveil, où leurs vêtements et leur argent suscitent l’étonnement.

    Dans les versets 22 à26, deuxième question initiatique portant sur le nombre des Compagnons . Toute la sourate 18 présente un caractère hétéroclite et fragmenté, elle relate quatre récits différents : les Gens de la Caverne, le patron des deux jardins, Moïse et Khidr, et Dhou al Qarnein le Bi Cornu. Un 5° récit est embryonnaire, celui d’Iblis, le Diable. Il n’y a pas d’unité littéraire, et certains ont questionné l’origine divine de cette sourate. Pour unifier ces divers éléments on ajoute une circonstance de la révélation. Les Koraïche de la Mecque, voulant mettre le prophète à l’épreuve, ont demandé aux Juifs quelles questions lui poser pour vérifier son authenticité. 3 questions furent proposées :

    Qui sont les Gens de la Caverne ?

    Qui est Dhou al Qarneïn, le Bi Cornu ?

    Qui est al Rouh ?

    Mohammed a dit qu’il répondrait le lendemain, sans ajouter « In cha’ Allah ». Et Dieu pour le punir a différé sa réponse pendant 15 jours. La sourate comprend donc des récits qui montrent des prophètes ignorants, et qui reçoivent des connaissances sans que leur qualité de prophètes soit remise en question : Moïse est instruit par Khidr le Sage, Alexandre est instruit par les 3 cordes envoyées par Dieu. Un prophète, Mohammed par exemple, peut donc être à la fois prophète et ignorant.

    Les quatre récits se situent à quatre niveaux différents :

    Chtonien (souterrain) pour la Caverne

    Terrien (agricole) pour les 2 Jardins

    Marin (les 2 mers, le poisson, la barque)

    Céleste (le soleil, la montagne, les 3 cordes)

    Il y a donc 4 mythes fondateurs plus un 5°, celui d’Iblis, qui, en tant qu’Ange, a subi trois épreuves : reconnaitre l’Homme comme Calife de Dieu, se prosterner devant lui, être chassé et devenir le Tentateur.

    La sourate 18 est donc initiatique. Même le prophète doit être initié à la connaissance.

    Cette présentation de la même histoire, celle des Sept Dormants, insiste donc sur les différences de fonction dans les traditions chrétienne et musulmane. Pour les Chrétiens, c’est un moyen de réaffirmer la résurrection des morts contre ses détracteurs, pour les Musulmans, c’est l’illustration qu’un prophète peut aussi être ignorant.

    La relation islamo-chrétienne ne doit pas être bâtie sur des ressemblances mineures et ambigües, mais sur la reconnaissance des différences profondes et acceptées comme telles : nous sommes adultes quand nous sommes capables d’assumer notre altérité.

     

    Questions :

    exemples de ces différences ?

    Dans le Coran, Adam après la Création a « glissé ». Il a commis un pêché mineur qui n’affecte pas la nature humaine. Le Seigneur doit périodiquement le rappeler à l’ordre mais c’est tout.

    Dans la Bible, Adam a fauté et la nature humaine est corrompue. Elle doit être rachetée par le sacrifice du Christ.

    L’Islam est une initiation à la vérité et le Christianisme une entreprise de salut.

    La sourate 30 précise que les différences culturelles sont le signe de Dieu et prouvent sa toute puissance.

    Importance de la sourate 18 pour les Musulmans ?

    Elle est récitée tous les vendredis soirs à la mosquée.

     


    Sourate 18, versets 9 à 25, passage relatif aux Gens de la Caverne:


    [9] Vas-tu penser que les hommes de la caverne, dont l’histoire est gravée sur l’épitaphe , constituent un de Nos signes les plus étonnants? [10] Lorsque ces jeunes gens se réfugièrent dans cette caverne, ils firent cette prière : «Seigneur ! Assiste-nous par un effet de Ta grâce et fais que notre conduite soit conforme à la rectitude !» [11] Nous les plongeâmes alors dans un profond sommeil, dans la caverne, de longues années durant. [12] Puis Nous les réveillâmes pour savoir lequel des deux partis saurait évaluer le mieux la durée exacte de leur séjour.
    [13] Nous allons te raconter leur récit en toute vérité. C’étaient des jeunes gens qui croyaient en leur Seigneur et que Nous avions fortifiés dans la bonne voie. [14] Nous avions raffermi leurs cœurs lorsqu’ils s’étaient levés pour proclamer : «Notre Dieu est le Seigneur des Cieux et de la Terre ! Jamais nous n’invoquerons une autre divinité que Lui, sans quoi nous commettrions la pire des iniquités ! [15] Ces gens-là, qui sont des nôtres, ont adopté des divinités en dehors de Dieu. Si seulement ils pouvaient justifier ce culte par une preuve évidente ! Qui donc est plus injuste que celui qui invente des mensonges contre Dieu?»
    [16] «Maintenant, se dirent-ils, que vous les avez fuis, eux et ce qu’ils adorent en dehors de Dieu, réfugiez-vous dans la caverne. Dieu étendra sur vous les effets de Sa miséricorde et apportera une amélioration à votre sort.»
    [17] Tu aurais vu alors le soleil à son lever obliquer à droite de leur caverne, et passer à gauche au moment de se coucher, tandis qu’ils dormaient dans un endroit spacieux de la caverne. C’est là un des signes de la puissance de Dieu. Seul celui que Dieu dirige est dans la bonne voie ; mais celui qu’Il égare, tu ne trouveras personne pour le protéger ni le guider. [18] Et à les voir, tu aurais cru qu’ils étaient éveillés alors qu’en réalité ils dormaient. Nous les retournions tantôt à droite, tantôt à gauche, pendant que leur chien était couché à l’entrée, les pattes allongées. Si tu les avais vus dans cet état, tu aurais certainement pris la fuite, le cœur rempli de crainte.
    [19] Nous les avons ensuite réveillés pour leur permettre de s’interroger mutuellement. C’est ainsi que l’un d’eux demanda : «Combien de temps sommes-nous restés ici?» – «Peut-être un jour ou même moins encore», répondirent d’autres. Puis ils reprirent : «Dieu le sait mieux que nous. Envoyez plutôt l’un de vous à la ville avec l’argent que voici, pour qu’il cherche l’aliment le plus pur et qu’il vous en apporte de quoi vous nourrir. Qu’il agisse avec tact pour ne révéler à personne votre retraite, [20] car s’ils vous découvraient, ils vous lapideraient ou vous ramèneraient à leur culte, et vous ne parviendriez alors plus jamais à la félicité.»
    [21] C’est ainsi que Nous avons fait connaître leur retraite pour bien montrer aux habitants de la cité que les promesses de Dieu s’accomplissent toujours et que la résurrection ne fait pas l’ombre d’un doute. Une dispute s’engagea alors à leur sujet, entre les gens de la cité. «Murons-les sous une maçonnerie, de manière que seul leur Seigneur soit au courant de leur mystère», dirent quelques-uns. Mais ceux dont l’avis l’emporta furent ceux qui dirent : «Élevons au-dessus d’eux un sanctuaire !» [22] On disputera aussi sur leur nombre. «Ils étaient trois, leur chien étant le quatrième», diront les uns. «Ils étaient cinq, et leur chien le sixième», diront d’autres en conjecturant sur leur mystère. «Ils étaient sept, et leur chien le huitième», affirmeront d’autres encore. Dis-leur : «Mon Seigneur est le mieux Informé de leur nombre, mais il n’en est que peu qui le savent.» Ne pousse pas trop loin la discussion à leur sujet et ne prends l’avis de personne à cet égard.
    [23] Ne dis jamais à propos d’une chose : «Certes, je ferai cela demain», [24] sans ajouter : «Si Dieu le veut !» Invoque Ton Seigneur, s’il t’arrive d’oublier, et dis : «Plaise à mon Seigneur de me guider vers le chemin de la rectitude !»
    [25] Or, ils demeurèrent dans leur caverne trois cents ans, auxquels s’en ajoutèrent neuf. [26] Dis : «Dieu est le mieux Informé du temps qu’ils y ont passé, car Il détient le mystère des Cieux et de la Terre. Et nul n’entend ni ne voit mieux que Lui ! Les hommes n’ont point d’autre protecteur que Lui, car Il n’associe personne à Son autorité.»